lundi 28 mars 2016

Boites vertes, Z et 5s : de la provoc ?

Est-ce provocation de ma part, de publier depuis quelques temps un billet pédagogique pour un billet "du quotidien" très pragmatique et a priori sans "valeur" face à l'enjeu gigantesque des thématiques EMI qu'on retrouve en ce moment dans toute la littérature prof-doc ?

A l'heure où tout le monde demande de toute part une redéfinition de notre statut, une reconnaissance de notre rôle pédagogique, je pense que j'avais besoin de réaffirmer que le côté pédagogique de notre métier passe à mon avis autant dans la disposition, le choix du matériel, la définition des règles, l'organisation, les "astuces toutes bêtes", que dans le contenu des séances purement info-doc et EMI. Sans oublier la lecture et l'ouverture culturelle.
Les prezi et autres padlet qui fleurissent parlent tous d'EMI, de veille, de complot, de numérique. De quoi fausser un peu le contenu visible de nos missions.

Je suis gestionnaire d'un lieu pédagogique, "une médiathèque laboratoire" organisée de manière à pouvoir mettre en place des séances pédagogiques autour de l'ouverture culturelle, la lecture, la maîtrise de l'environnement numérique. Et dans lequel les élèves peuvent poursuivre seuls leurs aventures documentaires et culturelles, en venant aux récrés, le midi, sur leurs heures d'étude, ou en fréquentant des études qui proposent les mêmes services.
Et je suis sacrément en colère quand on doute de ma qualité de prof ! 

Oui, je décide de la place des étagères, je décide des activités possibles et des règles de vie, je couvre et je range les livres, mais je parle aussi des data centers et des droits d’auteurs. Et la 1ère activité est la condition de la seconde !
Qu'on ne me demande pas de choisir entre le chocolat noir et le chocolat blanc !
Une boutique de Toulouse. Ils sont décidément très fort, à Toulouse !
Nous sommes attachés pour la plupart à la variété de notre métier, au fait que justement on ne fait pas un métier de prof classique. Mais alors que le métier de prof "classique" change, et tant mieux pour tout le monde, on voudrait finalement en adopter les anciennes caractéristiques. C'est assez ironique, et pas très logique.
On lit des choses très virulentes sur les listes de diffusion, comme si les réactions des uns et des autres étaient viscérales, vitales. Nous faisons un métier de passion. J'ai beaucoup de respect pour les deux "camps", même si je rejette absolument l’argument qu'on doit pouvoir faire ce qu'on veut, avec qui on veut, sur les sujets que l'on veut. Mon métier est de faire en sorte que tous les élèves aient un minimum de formation organisée à l'usage autonome du lieu et de ses outils. Et même si cela passe parfois par des voies détournées (contes, jeux), cela reste de la pédagogie et n'est pas fait au hasard.

Quand j'entends la ministre dire qu'elle va se pencher sur notre cas, j'ai envie de crier "non, non, c'est bon, c'est pas grave, on va se débrouiller..."
Cette reconnaissance institutionnelle tant demandée, et maintenant promise, loin de me rassurer, me fait peur, parce que je ne crois pas qu'on connaisse notre métier en profondeur.
Une bonne ou une mauvaise ?
J'ai bien peur que nos institutions ne perçoivent pas la complémentarité qu'il y a entre toutes nos missions, le visiblement pédagogique, et le visiblement de gestion. Vous voulez être détachés prof d'EMI avec un emploi du temps, pendant qu'un surveillant va prendre en main la gestion quotidienne du CDI ? Pas moi, et plus je réfléchis au métier, plus je me rends compte que ce qui fait la réussite de mes séances, c'est cette complémentarité entre les "cours" et les moments de vie en autonomie dans le lieu. Le défi est d’articuler les deux, et nous sommes les seuls à avoir cette vision d'ensemble (bon, s'ils veulent doubler les postes de prof-doc, je veux bien, mais soyons réalistes, on nous mettra des surveillants, pas des profs).

Dans le même ordre d'idée, je pense que c'était une erreur de demander 1h pour 1h, surtout sur la base de nos 30h de présence. Voici trois arguments :
1- A nouveau, je rappelle que 15h+15h = 30h, mais que c'est un emploi du temps d'agrégé !
18+18 (certifié) = 30+6 (certifié doc), donc si rattrapage il y a, cela doit être sur la base de 36h, comme nos collègues certifiés, donc il peut y avoir diminution du temps de présence à partir de la 7e heure de cours.
2- Par ailleurs, il y a cours et cours ! Vendredi, je lis un conte aux 6e segpa. Mercredi, des 5e terminent leurs montages vidéos et enregistrent leurs sons. Demain, je vois une classe de 4e avec un prof de chimie, les élèves vont utiliser framapad pour taper leurs brouillons de compte-rendus d'expérience. Ils n'auront pas besoin de moi, sauf en dépannage technique. Je vois une classe de 3e pour laquelle j'ai trouvé plein de nouveaux romans auto-biographiques pour renouveler le fonds un vieux vieillot. Et je teste une nouvelle activité en 5e sur les fausses images diffusées sur les réseaux sociaux, qui m'a demandé quelques heures de lecture et de réflexion sur le déroulé que j'allais choisir. Une fois préparée, testée et éventuellement modifiée, je la ferai avec mes 9 autres groupes de 5e. Enfin, ce week-end, j'ai passé quelques heures à lire des nouveaux romans, à écouter une conférence d'André Tricot (de Toulouse !), à me replonger dans les matrices EMI de Toulouse (encore eux !). Le temps de préparation n'est donc pas réductible au nombre d'heures de séances par semaine.
3- Pour ma part, je prépare mes séances en présence des élèves de l'étude, et cela me permet d'exiger d'eux de l'autonomie et un grand sens de la responsabilité. Du coup, j'atteint mieux mes objectifs de profs en préparant mes séances avec des élèves dans les pattes. Paradoxe, ou richesse du métier ?

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